Vie intérieure et souffrance

De Charles Juliet (Journal 1), quelques citations qui résonnent si justement...

• Ce dont je ne cesserai de m'étonner : que des êtres n'aient aucune vie intérieure, aucune notion de ce qu'est la souffrance de vivre, que tout ce qui touche à l'esprit leur soit comme un monde étranger, insoupçonné, qu'ils se laissent envahir par la mort sans se débattre, sans opposer de résistance.

• Comment dire sa souffrance et à quelles profondeurs rongent ses racines ? D'ailleurs, il est même des êtres qui n'ont jamais souffert, qui ne se doutent absolument pas que la vie de certains est une lutte de chaque instant. En ce cas, qu'attendre d'eux, comment espérer être compris ?

• La plupart de ces gens qui ont "fait des études", quelle plaie. Ils n'ont rien compris à rien, mais connaissent tout, jugent tout. Inutile de chercher à établir avec eux le moindre contact. Combien leur est préférables les vrais ignorants qui au moins savent s'ouvrir, ne sont pas déformés ni aveuglés par une parodie de connaissance.

• Tous, nous cultivons sereinement notre aptitude à ne pas penser, nous séquestrer dans le sommeil.

Même si leur connotation est plutôt pessimiste, ces citations suscitent en moi deux réflexions :

• Lors d'un café-philo, nous nous étions demandé si l'exploration de notre vie intérieure avait forcément pour point de départ une souffrance. La réponse apportée par la plupart (ou du moins le constat) suggérait que oui. Je le crois aussi. Et j'avais été particulièrement frappée que l'on se pose cette question car quelques jours auparavant, elle m'était arrivée en tête. Cela faisait même un moment qu'elle y trottait ! Quel soulagement de voir que je peux rejoindre les autres dans leurs préoccupations. Je pense souvent être seule ; mais ce n'est pas vrai. Et ce café-philo, le premier auquel je participais, m'en a donné la preuve.
• Mes parents ont tout fait pour nous empêcher de penser, d'accéder à notre vie intérieure. Je m'efforce à présent de recontacter mon âme. C'est une lutte car j'ai intériorisé les barrages parentaux. J'aimerais les faire voler en éclats !